1. Introduction :
De par leur état physique, les gaz ont la capacité de se diffuser
rapidement et finir par occuper tout le volume disponible. Conséquemment, pour
un même type et niveau de danger (inflammabilité, toxicité, corrosivité, etc.)
généralement le gaz est l’état physique qui présente le plus de risque. Les
inflammables et les toxiques sont les deux types de gaz les plus fréquemment
impliqués dans les accidents et blessures.
2. Produit sous
pression :
Mis à part les dangers inhérents à chaque gaz (toxique, inflammable,
corrosif, etc.), l’appellation de la classe de danger « Gaz sous
pression » définit bien le danger supplémentaire qui s’ajoute à chacun de
ces gaz, c’est-à-dire le fait que ce sont des produits sous pression.
Ainsi pour les bouteilles dites de haute pression, la pression à
l’intérieur de ces bouteilles peut dépasser plusieurs milliers de kilo Pascals
(kPa). Ce sont des bouteilles sans soudure utilisées généralement pour les
produits conservés sous forme de gaz comprimés tels que l’azote, l’oxygène,
l’argon, etc. À titre d’exemple, la bouteille d’argon utilisé comme gaz de
protection pour le soudage de la firme Air Liquide (no de produit ARG50XPR)
possède une pression interne 30 380 kPa. Pour fin de comparaison, cette
pression très élevée correspond à 300 fois la pression atmosphérique (et à près
de 150 fois la pression normale d’un pneu automobile). Une simple petite
bouteille d’hélium de la même firme (no de produit HELBEL9EX) louée pour le
gonflage des ballons possède une pression interne 14 960 kPa, soit près de
150 fois la pression atmosphérique.
Pour leur part, les bouteilles dites de basse pression, utilisées
généralement pour les gaz conservés sous forme liquéfiée ou dissouts dans un
solvant, ont tout de même une pression interne de l’ordre de quelques centaines
à quelques milliers de kPa.
Le risque de générer des pressions très élevées est présent également
pour les produits conservés sous forme gaz liquéfiés réfrigérés (liquides
cryogéniques). Tel que mentionné dans la chronique précédente, de
petites quantités de liquides cryogéniques peuvent occuper un grand volume une
fois vaporisé et créer ainsi des pressions très élevées si le produit est
contenu dans un récipient hermétique. Ainsi, le rapport d’expansion et de
volume entre l’azote liquide et l’azote gazeux est de près de 700 fois. Si
l’azote liquide est placé dans un contenant fermé hermétiquement, la pression à
l’intérieur du contenant risque d’augmenter d’un facteur équivalent une fois
tout l’azote vaporisé.
Conséquemment, la valve principale de la
bouteille, ainsi que le manodétendeur lorsqu’installé, sont les parties
fragiles de ce type d’équipement. Ces pièces doivent être en tout temps
protégées par l’installation, lorsque requis, du capuchon protecteur sur la
bouteille, en fixant la bouteille solidement au mur ou au chariot de transport
interne ou aux appareils avec lesquelles elles sont utilisées. Sans quoi, il y
a risque de projection violente et dangereuse de la bouteille en cas de chute
et/ou de bris de la valve principale. À noter que selon le type de gaz et
marque commerciale, certaines bouteilles sont fournies équipées d’un capuchon
permettant le raccord aux équipements sans enlever le capuchon.
De même, si la valve principale d’une
bouteille (que vous venez de recevoir ou en stock) est difficile à ouvrir, il
est recommandé de retourner la bouteille au fournisseur (en s’assurant que la
valve est bien fermée, mais sans la forcer) et en lui demandant de vous
expédier une nouvelle bouteille. On ne doit jamais forcer la valve principale
d’une bouteille. Voici une petite anecdote familiale illustrant ce propos.
Un de mes oncles sort de son cabanon en
début de printemps son poêle barbecue au propane et l’installe sur la terrasse
adjacente à son chalet. La valve de la bouteille de propane étant difficile à
ouvrir, mon oncle force celle-ci et finit par l’ouvrir. Il allume son poêle et
une quinzaine de minutes plus tard il commence à entendre un sifflement. Par
précaution, il éteint le poêle et force à nouveau pour fermer la valve de la
bouteille. La valve brise et lui reste dans les mains. Le propane sous pression s’échappe de la
bouteille et s’enflamme. Il en résulte une flamme d’une quinzaine de pieds de
haut qui risque de se propager à son chalet ainsi qu’aux cinq gros pins blancs
qui en font le pourtour. Mon oncle vide sans résultat les trois extincteurs
portatifs qu’il possédait à son chalet. La seule mesure entreprise avec succès
par les quelques pompiers volontaires de la municipalité, a été d’éloigner à
l’aide de gaffes, le poêle du chalet et des pins problématiques et de laisser
la bouteille se vider. Depuis cet accident, mon oncle s’est acheté un poêle
fonctionnant uniquement à la briquette de charbon.
Le but de cette anecdote n’est pas de
convaincre qu’il ne faut plus utiliser de poêle au propane, mais bien qu’il ne
faut jamais forcer la valve principale d’une bouteille de gaz et qu’il faut
bien connaître les risques et mesures de précaution lorsqu’on utilise ce type
d’équipement.
3. Risque
d’anoxie :
Autre type de risque qui peut
potentiellement se produire dans les endroits clos ou mal aérés, et ce, même
avec les gaz dits inertes tels que l’argon, l’hélium, l’azote, etc., est le
risque d’asphyxie par appauvrissement de la concentration d’oxygène.
En effet, suite à une fuite ou pour autre
raison, au fur et à mesure que la concentration en gaz augmente dans un endroit
clos ou mal aéré, la concentration en oxygène va diminuer et peut atteindre une
concentration dangereuse pour la santé. Selon la concentration atteinte,
l’inconscience et le décès peuvent survenir en quelques minutes.
Les liquides cryogéniques peuvent également
présenter ce type de risque lors de fuite ou de leur utilisation dans les
endroits clos ou mal aéré.
Si bien qu’une nouvelle classe de danger,
inexistante dans le SIMDUT 1988, s’est ajoutée dans le SIMDUT 2015 pour
informer et tenir compte de ce type de danger. Cette nouvelle classe de danger
nommée « Asphyxiant simple » fera l’objet de la prochaine chronique
chimique.
4. Gaz sous pression : Résumé des principaux
risques
- Risques
d'incendie, d'explosion ou de projection dangereuse des bouteilles, en cas de bris de la valve principale ou
détendeur, de fuite, ou en présence de sources de chaleur ou d'ignition.
- Risques
de retours de flammes lors de l'utilisation ou de fuite de gaz
inflammables.
- Risques
d'exposition à des gaz
toxiques ou corrosifs.
- Risques
d'asphyxie en cas d’utilisation
ou de fuite en milieu clos ou peu ventilé.
- Risques
de brûlures thermiques dues
aux basses températures des liquides cryogéniques.
- Risques de fragilisation, d’éclatement et de
projection des contenants ou d’équipement, en raison des basses températures des liquides cryogéniques et des
pressions élevées qui peuvent être générées.
5. Gaz sous pression : Résumé des mesures de précaution
- Utiliser ce
type de produit qu’à condition d’avoir reçu la formation adéquate
(risques, mesures de précaution, procédures d’urgence).
- Ne jamais se
fier sur la couleur de la bouteille pour en identifier le contenu. S’assurer
que la bouteille est bien identifiée à l’aide d’une étiquette conforme.
- Lors de la réception des bouteilles, refuser et retourner les
bouteilles :
- Dont le contenu n’est pas clairement
identifié par une étiquette conforme.
- Dont la valve est coincée ou difficile
à ouvrir.
- Qui présente des signes d’usure ou de
défectuosités (si la pression de sortie ou l'aiguille du
manomètre continue à monter lorsque la valve en aval est fermée, ou si
l'aiguille du manomètre ne bouge pas lors de l'ouverture ou de la
fermeture de la pression).
- Toujours
penser à protéger la valve principale et le détendeur, composantes fragiles d'une bouteille
de gaz.
- Ne jamais
cogner ou forcer une valve d'une bouteille de gaz qui se serait coincée, avertir le fournisseur
et lui retourner la bouteille.
- Ne jamais huiler, graisser, nettoyer à
l'aide de solvants les valves et les raccords des bouteilles de gaz. Au
besoin, utiliser les produits recommandés par votre fournisseur.
- Toujours utiliser le matériel (type de
détendeur, tubulures) approprié au type de gaz utilisé.
- Enlever le chapeau protecteur
uniquement lorsque la bouteille est fermement fixée ou attachée.
- Utiliser dans des endroits bien aérés,
loin des sources de chaleur et d'ignition.
- Prendre l'habitude de vérifier s'il y
a présence de substances incompatibles à proximité du gaz utilisé.
- Particulièrement pour les gaz conservés
sous forme liquéfiée ou dissous dans un solvant liquide, toujours maintenir
en position verticale et fermement fixées les bouteilles (même vides)
lors du transport, de l'entreposage, de l'utilisation. Si la bouteille
a été penchée ou couchée, attendre au moins trente minutes après
l'avoir remise en position verticale avant d'utiliser. En cas de doute,
vérifier avec votre fournisseur.
- Ne pas vider complètement les bouteilles,
y laisser une pression résiduelle. Enlever le détendeur, remettre le
capuchon de protection et identifier clairement la bouteille comme
étant vide.
- Même si la bouteille est considérée
comme vide, toujours s’assurer que la valve principale est bien fermée.
Sinon il y a risque que le gaz résiduel de la bouteille s’échappe ou que
l’air extérieur pénètre et contamine la bouteille.
- Transporter les bouteilles, en position verticale, fixées à un chariot
conçu à cette fin muni de son capuchon de protection.
- Ne pas soulever ou tirer une bouteille
par son capuchon protecteur.
- Toujours avoir à proximité les équipements
d'intervention et de protection appropriés.
- Toujours porter une protection oculaire
lors de l'utilisation de gaz sous pression.
- En raison des fortes pressions, ne
jamais diriger sur soi un jet de gaz même si celui-ci est classé comme non
toxique (air comprimé, oxygène, etc.).
- Pour
éviter des frais inutiles d’élimination, prendre l’habitude lorsque
possible de louer les bouteilles plutôt que de les acheter.
- Lors de l’entreposage, entreposer les bouteilles :
- En position verticale, équipées de leur chapeau de protection et
fermement fixées dans un endroit frais, bien ventilé ou aéré loin de toutes sources de
chaleur.
- En effectuant la ségrégation des bouteilles en fonction des
différentes classes de danger SIMDUT (comburants, inflammables, etc.)
pour tenir compte des incompatibilités.
- En séparant les bouteilles vides de
celles pleines.
- En assurant une période de
rotation courte des bouteilles en prenant l'habitude d'utiliser le format de bouteille minimum
nécessaire pour l'usage désiré.
- En
vérifiant auprès de votre fournisseur en cas de doute (ségrégation, disposition,
risque, etc.).
Note :
Selon les types de gaz
et les quantités à entreposer, des exigences réglementaires (Code national de
prévention des incendies, Code du bâtiment, etc.) peuvent s’appliquer.
- Lors du transport des bouteilles dans un véhicule :
- Les bouteilles
doivent être bien fixées à l’aide de courroies ou de support
- S’assurer que
la valve principale et autres robinets sont bien fermés, et ce, même si la
bouteille est considérée comme étant vide.
- Débrancher les
accessoires ou autres équipements reliés aux bouteilles.
- Toujours placer
les bouteilles dans un endroit du véhicule bien ventilé ou aéré.
- À moins que le
véhicule soit ventilé de façon permanente, ne jamais laisser les bouteilles
dans le véhicule sur de longues périodes. Porter une attention particulière aux
véhicules de service qui contiennent des bouteilles de gaz et qui sont
stationnés pour la fin de semaine ou pour de plus longues périodes. En effet, le
faible volume de l’habitacle du véhicule fera en sorte que la moindre fuite de
gaz en raison d’une mauvaise fermeture de la valve ou en raison du gaz qui
s’échapperait des accessoires risquera d’atteindre le seuil minimal
d’inflammabilité et/ou d’explosivité s’il s’agit d’un gaz inflammable ou une
concentration dangereuse pour la santé s’il s’agit d’un gaz toxique. À titre
d’exemple, voir ce lien décrivant une
explosion un lundi matin dans un véhicule de service d’une entreprise en
bâtiment survenu simplement parce qu’un employé a actionné la télécommande pour
l’ouverture des portes du véhicule.
Note :
Selon le type de gaz et
les quantités, leur transport dans un véhicule peut être soumis à des exigences
règlementaires (plaques, manifeste de transport, formation, etc.)
Liquides
cryogéniques :
- Ne pas utiliser sans avoir reçu une formation
adéquate (risques, précautions, urgences) pour ce type de produit.
- Éviter tout contact direct avec la peau et les
yeux. Toujours porter minimalement des lunettes de protection (idéalement un
écran facial) lors de l’utilisation d’un liquide cryogénique.
- Porter des vêtements qui protègent la peau
(pantalons, manches longues, sarrau, etc.) et ignifuge lorsque requis (oxygène
liquide, air liquide, etc.).
- Enlever immédiatement tout vêtement contaminé ou
aspergé.
- Ne jamais utiliser les liquides cryogéniques dans
des endroits clos et/ou mal ventilés.
- Utiliser dans des contenants conçus à cette fin
munis de dispositif de sécurité approprié.
- Lors de l’immersion d’un objet dans un liquide
cryogénique, en le manipulant à l’aide de pinces appropriées toujours plonger
l’objet lentement dans le liquide.
- Lors de transfert de liquides cryogéniques,
utiliser un dispositif de remplissage approprié dont le matériau est compatible
au liquide transféré.
- Avant le transfert, lorsque possible, refroidir
préalablement le contenant dans lequel le liquide cryogénique sera transféré.
Toujours verser lentement le liquide cryogénique transféré.
6. Pour
en savoir plus :
Voir les liens suivants du Centre canadien
d'hygiène et de sécurité au travail pour une information détaillée sur les
caractéristiques et précautions concernant les
Liquides
cryogéniques et les
Gaz sous pression.
Prochain bulletin Véga – SIMDUT :
Le prochain
bulletin traitera plus spécifiquement des risques et précautions concernant les
asphyxiants simples.
Chimiquement
vôtre
Serge Pelletier
B.Sc.chimie M.Sc. environnement