Les Chroniques chimiques Numéro 14 - Les matières inflammables – caractéristiques

Les Chroniques chimiques Numéro 14 - Les matières inflammables – caractéristiques


I. Introduction :

Les matières inflammables sont parmi les substances impliquées le plus fréquemment dans les accidents ou incidents en milieu de travail (ainsi que dans les résidences).

En effet, les matières inflammables regroupent de très nombreux produits d'usage courant et fréquent. On n’a qu’à penser aux ….

  1. Solvants, diluants, décapants, vernis, laques, colles qui sont inflammables.
  1. Aux nombreux liquides organiques inflammables utilisés en laboratoire.
  1. Aux gaz inflammables utilisés en laboratoire ou pour le chauffage des bâtiments.
  2. Aux nombreux produits d’entretien ou de maintenance qui sont sous forme d’aérosols inflammables.
  3. Aux combustibles pour brûleur à fondue ou pour appareils de camping,
  1. Aux fixatifs pour cheveux, vernis à ongles et autres produits cosmétiques qui sont inflammables.
  1. Etc.

Les risques inhérents d’une matière inflammable dépendront principalement:

  1. de sa volatilité,
  1. de son intervalle d’inflammabilité ou d’explosivité
  1. de son point d’éclair

2. Volatilité :

Plus une matière inflammable est volatile, plus cette matière risque de se disperser rapidement (sous forme de vapeurs ou gaz) et atteindre les sources de chaleur ou d’inflammation.

Généralement, pour un même type de danger (inflammabilité toxicité, corrosivité, etc.) les risques augmenteront des solides – aux liquides – aux gaz.

Conséquemment, les gaz inflammables présenteront généralement plus de risques que les liquides inflammables qui eux-mêmes, présenteront plus de risque que les solides inflammables.

Pour illustrer cette capacité des gaz à se répandre rapidement, le lecteur peut voir la vidéo suivante sur le site de YouTube. À la suite d’une fuite d’un réservoir, la vidéo montre la dispersion de l’ammoniac (gazeux) qui se répand rapidement sur le terrain et le stationnement d’une entreprise (une autre vidéo sur le même site montre l’évacuation rapide des automobiles stationnées sur ce terrain YouTube). L’ammoniac, gaz très corrosif, peut prendre feu à partir d’une certaine concentration dans l’air.

3. Intervalle d’inflammabilité ou d’explosivité:

Les gaz inflammables et les liquides inflammables ne peuvent brûler dans l’air à toutes concentrations. Chaque gaz ou liquide inflammable possède son propre intervalle de concentration dans lequel le gaz ou les vapeurs forment avec l'air un mélange inflammable ou explosif en présence d'une source d'inflammation. Ces valeurs limites sont exprimées en pourcentage de gaz ou de vapeur dans l'air et peuvent varier légèrement en fonction de la température et de la pression. Ces valeurs limites sont généralement données à 25 oC à la pression normale de 101.3 kPa.

Par exemple, les limites inférieures (LII) et supérieures (LSI) d'inflammabilité pour l'essence automobile sont 1.4 et 7.6% (variable selon sa composition). En dehors de cet intervalle de concentration, les vapeurs d’essence ne peuvent prendre feu dans l’air. Imaginons un cylindre d’un moteur automobile dans lequel la concentration en vapeurs d’essence est en deçà de 1.4%, ces vapeurs ne pourront prendre feu même s’il y a source d’inflammation via la bougie d’allumage. De même si la concentration en vapeurs d’essence dépasse 7.6% avant l’allumage par la bougie, ces vapeurs ne pourront pas prendre feu lors de l’ignition (le moteur est noyé).

C’est seulement à travers son intervalle d’inflammabilité qu’un gaz inflammable ou les vapeurs d’un liquide inflammable peuvent prendre feu dans l’air.

Le tableau suivant présente des exemples LII et LSI et l’intervalle d’inflammabilité de quelques produits  à 25 oC:

Produit

LII(1)

LSI(1)

Propane

2.1%

9.5%

Acétylène

2.5%

82%

Acétone

2.5%

12.8%

Essence

1.4%

7.6%

(1)      Fiches d’information du répertoire toxicologique de la CNESST

Plus la LII d’un produit est faible plus le niveau de risque augmente, car à la moindre fuite, la concentration en gaz ou vapeurs risque d’atteindre ou dépasser cette limite inférieure et se retrouver dans l’intervalle d’inflammabilité du produit. 

De même, plus l’intervalle d’inflammabilité d’un produit est grand plus le niveau de risque augmente, car les vapeurs ou le gaz peuvent prendre feu dans l’air dans une large gamme de concentration.

4. Point d’éclair:

Le point d’éclair est la température la plus basse à laquelle un liquide dégage assez de vapeur pour que celle-ci forme avec l'air un mélange inflammable au contact d'une étincelle ou d'une flamme (source d'inflammation).

Plus le point d'éclair d'un liquide est bas, plus les risques d'inflammation de ces vapeurs sont élevés et plus le risque d'incendie est grand.

Il est important de faire la différence entre le point d'éclair et la température d'auto-inflammation qui est la température la plus basse à laquelle une matière peut s'enflammer dans l'air même en l'absence d'une étincelle ou d'une flamme.

Par exemple, le point d'éclair de l'essence automobile est de - 45oC alors que sa température d'auto-inflammation est de 280oC (variable selon la composition). Donc aussitôt que la température est supérieure à - 45oC l'essence automobile dégage suffisamment de vapeur pour que celle-ci prenne feu si elle vient en contact avec une source d'inflammation. Par contre l'essence s'enflammerait spontanément si elle était déversée sur une surface très chaude (température supérieure à 280oC).

Lorsque applicables, l’intervalle d’inflammabilité ainsi que le point d’éclair d’un produit sont indiqués à la section 9 (propriétés physiques et chimiques) de la fiche de données de sécurité du produit (de même que sa volatilité via la pression de vapeur).

5. Attention au retour de flamme:

Imaginons le déversement accidentel d'un bidon d'essence automobile dans un atelier de mécanique. Immédiatement après le déversement, les vapeurs d'essence se dégageant au-dessus de la nappe de liquide  et étant plus denses que l'air, commenceront à se propager au niveau du sol et pourront ainsi se répandre sur une distance de plusieurs dizaines de pieds de la nappe de liquide renversée. Éventuellement ces vapeurs au contact d'une source d'inflammation (interrupteur, boîte électrique pour machinerie, etc.) pourront s'enflammer et la flamme produite retourner jusqu'à la nappe de liquide pour enflammer le tout. C'est le retour de flamme. Il est même arrivé dans des ateliers de mécanique que les vapeurs répandues prennent feu simplement par ce qu’un travailleur a échappé une pince ou autre outil métallique sur le plancher de béton de l’atelier (source d’étincelles d’électricité statique).

De même, la recommandation des compagnies pétrolières de ne pas fumer ou de laisser tourner le moteur du véhicule en faisant le plein dans une station d'essence n'est pas à prendre à la légère, et ce, même l’hiver par temps très froid, car la température extérieure sera généralement au-dessus du point d’éclair de l’essence.

Pour illustrer les risques de retour de flammes ainsi que les risques d’électricité statique comme source d’inflammation, voir les deux vidéos suivants.

Le premiervidéo montre un camion-citerne transvidant de l’essence dans le réservoir d’une station d’essence. Pendant l’opération, une nappe de vapeurs d’essence se développe autour du camion-citerne et une automobile arrivant à la station pour faire le plein enflamme les vapeurs répandues. Le retour de flammes se fait de l’automobile au camion-citerne.

Le deuxième vidéo  montre lors du remplissage automatique d’un véhicule dans une station d’essence, que c’est la conductrice qui, après s’être assise dans son véhicule et retourne par la suite prendre le pistolet de la pompe pour terminer le remplissage, enflamme les vapeurs. Ceci simplement dû à l’électricité statique générée par le frottement de ses vêtements sur le tissu du siège de l’automobile.

Prochain bulletin Véga – SIMDUT :

Les prochaines chroniques chimiques traiteront des différents types de matières inflammables.

Chimiquement vôtre

Serge Pelletier

B.Sc.chimie    M.Sc. environnement