I. Introduction :
Tel que mentionné dans la chronique précédente, le risque d’asphyxie
par appauvrissement de la concentration d’oxygène peut potentiellement se
produire dans les endroits clos ou mal aérés, et ce, même avec des gaz dits
inertes tels que l’argon, l’hélium, l’azote, etc.
En effet, suite à une fuite ou autre raison, au fur et à mesure que la
concentration en gaz augmente dans un endroit clos ou mal aéré, la
concentration en oxygène va diminuer et peut atteindre une concentration
dangereuse pour la santé.
Le tableau suivant illustre les effets possibles sur la santé selon la
concentration d’oxygène présente.
[ O2
] dans l’air en %
| Effets
sur la santé
|
|
21
|
- Concentration normale
|
|
19.5
|
- Seuil minimal sécuritaire réglementaire
|
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12 - 16
|
- Augmentation de la respiration et du rythme
cardiaque
- Fatigue anormale, émotivité accrue
|
|
10 - 11
|
- Augmentation plus prononcée de la respiration et
du rythme cardiaque
- Coordination de plus en plus difficile
- Sensation d’euphorie possible
-
Maux de tête
|
6 - 10
|
- Nausées, vomissements
- Risque d’inconscience
-
Incapacité de se mouvoir
|
< 6
|
- Mort en moins d’une minute par arrêt respiratoire
et cardiaque
|
Adapté de Legris,
Roberge, Pépin : Évaluation des atmosphères toxiques et explosives
Selon la concentration atteinte,
l’inconscience et le décès peuvent survenir en quelques minutes. Au Québec,
pratiquement chaque année il y a des décès occasionnés par cette catégorie de
produits dangereux. À titre d’exemple, voir le communiqué suivant de la
CNESST faisant état du décès d’une personne survenu
à Montréal au début de l’année 2019 à la suite de purge de réservoirs effectuée
avec l’azote.
En milieu de travail, l’article 40 du
Règlement sur la santé et la sécurité du travail prend en compte ce type de risque et impose une
limite réglementaire sur le seuil minimal de la concentration en oxygène.
«
Sous
réserve de l'article 45, le pourcentage d'oxygène en volume dans l'air à tout
poste de travail d'un établissement ne doit pas être inférieur à 19,5% à la
pression atmosphérique normale ».
En dessous ce se seuil minimal, le
travailleur doit porter un équipement de protection respiratoire approprié (pas
de masque à cartouche).
2.
Cadre légale :
L’article 7.18.1 et la partie 2 de l’annexe
5 du
Règlement sur les produits dangereux (RPD) précisent
la définition « d’asphyxiant simple » ainsi que les éléments de
communication des dangers indiqués dans le tableau ci-dessous.
«
asphyxiant simple » s’entend de tout gaz susceptible de causer l’asphyxie en
déplaçant l’air.»
Cette
définition du RPD implique que cette classe de danger s’applique uniquement aux
gaz et que les vapeurs n’y sont pas incluses.
Pas de pictogrammes et comparaison
avec le HCS 2012:
À noter qu’il n’y a pas de pictogramme
d’associé à cette classe de danger. La classe de danger « asphyxiants
simples » est inexistante dans le Système général harmonisé de
classification et d'étiquetage des produits chimiques (SGH) des Nations-Unies. C’est
toutefois, une des classes de danger comprises dans la norme américaine
Hazard Communication Standard (HCS) 2012 de l'Occupational Safety and
Health Administration (OSHA) et cette norme ne prévoit pas de pictogramme
pour les asphyxiants simples. Afin d’harmoniser le plus possible sa législation
avec la norme américaine, le Canada a prévu dans son SIMDUT 2015 les mêmes
éléments de communication des dangers que le HCS 2012 en ce qui concerne les
asphyxiants simples.
Cependant, quelques différences existent pour
cette classe de danger entre les deux législations. Alors que les asphyxiants
simples sont classés dans le groupe des dangers physiques dans le RPD, dans le
HCS 2012 ils relèvent des dangers pour la santé. Le RPD prévoit des conseils de
prudence pour la classe de danger asphyxiants simples alors que le HCS 2012
n’en exige pas.
De même, alors que la définition du RPD
s’applique qu’aux gaz, la législation américaine y inclut également les
vapeurs. De ce fait, un plus grand nombre de produits peuvent donc être classés
asphyxiants simples selon la norme américaine. À noter que les étiquettes et
fiches de données de sécurités des produits qui sont classés asphyxiants
simples selon le HCS 2012 sont considérées acceptables au Canada afin d’éviter
toute confusion et information trompeuse ou susceptible de créer une fausse
impression sur les dangers de ces produits.
En principe ce sont donc tous les gaz qui peuvent
présenter ce type de risque (appauvrissement de la concentration d’oxygène par
déplacement de l’air). Toutefois, seuls les gaz non toxiques qui ne présentent
pas d’autres effets pour la santé peuvent se voir attribuer la classe de danger
asphyxiants simples.
Exemples, le sulfure d’hydrogène gaz très
toxique et l’ammoniac gaz très corrosif ne se verront pas attribuer la classe
de danger asphyxiants simples. Alors que l’hydrogène et le propane qui sont des
gaz inflammables non toxiques sont classés asphyxiants simples.
L’hydrogène, l’hélium, l’argon, le néon, l’azote,
le gaz carbonique, le propane, le gaz naturel, sont autant de produits
qui sont classés asphyxiants simples.
3. Mesures de
précaution :
En plus des précautions indiquées dans la chronique précédente pour les
gaz sous pression, les précautions suivantes s’adressent plus spécifiquement
aux asphyxiants simples risquant d’être présent dans des endroits peu ventilés
ou clos.
- Ne jamais
pénétrer dans un endroit clos sans avoir reçu la formation adéquate.
- Toujours
vérifier à l’aide d’un détecteur (de type quatre gaz ou autre) si la
concentration en oxygène est sécuritaire (et s’il y a présence de contaminants)
avant de pénétrer dans un endroit clos, ainsi que périodiquement pendant
le quart de travail.
- Ne
jamais aborder et travailler seul dans un milieu clos.
- Si
nécessaire, porter l’équipement de protection respiratoire approprié.
- Vérifier
régulièrement que les bouteilles ainsi que les équipements auxquels elles sont
reliées sont absents de fuites.
- Assurer
une bonne aération des locaux où sont utilisés les asphyxiants simples ainsi
que les locaux d’entreposage.
- S’assurer
d’une procédure sécuritaire si les bouteilles doivent être transportées ou déplacées
dans un ascenseur, un véhicule ou un local non ventilé.
Prochain bulletin Véga – SIMDUT :
Les prochaines
chroniques chimiques traiteront des matières inflammables.
Chimiquement
vôtre
Serge Pelletier
B.Sc.chimie M.Sc. environnement