Les Chroniques chimiques Numéro 13 - Asphyxiants simples – caractéristiques et précautions

Les Chroniques chimiques Numéro 13 - Asphyxiants simples – caractéristiques et précautions

I. Introduction :

Tel que mentionné dans la chronique précédente, le risque d’asphyxie par appauvrissement de la concentration d’oxygène peut potentiellement se produire dans les endroits clos ou mal aérés, et ce, même avec des gaz dits inertes tels que l’argon, l’hélium, l’azote, etc.
 
En effet, suite à une fuite ou autre raison, au fur et à mesure que la concentration en gaz augmente dans un endroit clos ou mal aéré, la concentration en oxygène va diminuer et peut atteindre une concentration dangereuse pour la santé.
 
Le tableau suivant illustre les effets possibles sur la santé selon la concentration d’oxygène présente.


[ O2 ]  dans l’air en %

Effets sur la santé
21

  1. Concentration normale
19.5

  1. Seuil minimal sécuritaire réglementaire
12 - 16

  1. Augmentation de la respiration et du rythme cardiaque
  2. Fatigue anormale, émotivité accrue
10 - 11

  1. Augmentation plus prononcée de la respiration et du rythme cardiaque
  2. Coordination de plus en plus difficile
  3. Sensation d’euphorie possible
  4. Maux de tête

6 - 10

  1. Nausées, vomissements
  2. Risque d’inconscience
  3. Incapacité de se mouvoir

< 6

  1. Mort en moins d’une minute par arrêt respiratoire et cardiaque


Adapté de Legris, Roberge, Pépin : Évaluation des atmosphères toxiques et explosives

Selon la concentration atteinte, l’inconscience et le décès peuvent survenir en quelques minutes. Au Québec, pratiquement chaque année il y a des décès occasionnés par cette catégorie de produits dangereux. À titre d’exemple, voir le communiqué suivant de la CNESST faisant état du décès d’une personne survenu à Montréal au début de l’année 2019 à la suite de purge de réservoirs effectuée avec l’azote.
 
En milieu de travail, l’article 40 du Règlement sur la santé et la sécurité du travail prend en compte ce type de risque et impose une limite réglementaire sur le seuil minimal de la concentration en oxygène. « Sous réserve de l'article 45, le pourcentage d'oxygène en volume dans l'air à tout poste de travail d'un établissement ne doit pas être inférieur à 19,5% à la pression atmosphérique normale ».
En dessous ce se seuil minimal, le travailleur doit porter un équipement de protection respiratoire approprié (pas de masque à cartouche).

2. Cadre légale :

L’article 7.18.1 et la partie 2 de l’annexe 5 du Règlement sur les produits dangereux (RPD) précisent la définition « d’asphyxiant simple » ainsi que les éléments de communication des dangers indiqués dans le tableau ci-dessous.

« asphyxiant simple » s’entend de tout gaz susceptible de causer l’asphyxie en déplaçant l’air.»

Cette définition du RPD implique que cette classe de danger s’applique uniquement aux gaz et que les vapeurs n’y sont pas incluses.


Pas de pictogrammes et comparaison avec le HCS 2012:

À noter qu’il n’y a pas de pictogramme d’associé à cette classe de danger. La classe de danger « asphyxiants simples » est inexistante dans le Système général harmonisé de classification et d'étiquetage des produits chimiques (SGH) des Nations-Unies. C’est toutefois, une des classes de danger comprises dans la norme américaine Hazard Communication Standard (HCS) 2012 de l'Occupational Safety and Health Administration (OSHA) et cette norme ne prévoit pas de pictogramme pour les asphyxiants simples. Afin d’harmoniser le plus possible sa législation avec la norme américaine, le Canada a prévu dans son SIMDUT 2015 les mêmes éléments de communication des dangers que le HCS 2012 en ce qui concerne les asphyxiants simples.

Cependant, quelques différences existent pour cette classe de danger entre les deux législations. Alors que les asphyxiants simples sont classés dans le groupe des dangers physiques dans le RPD, dans le HCS 2012 ils relèvent des dangers pour la santé. Le RPD prévoit des conseils de prudence pour la classe de danger asphyxiants simples alors que le HCS 2012 n’en exige pas.

De même, alors que la définition du RPD s’applique qu’aux gaz, la législation américaine y inclut également les vapeurs. De ce fait, un plus grand nombre de produits peuvent donc être classés asphyxiants simples selon la norme américaine. À noter que les étiquettes et fiches de données de sécurités des produits qui sont classés asphyxiants simples selon le HCS 2012 sont considérées acceptables au Canada afin d’éviter toute confusion et information trompeuse ou susceptible de créer une fausse impression sur les dangers de ces produits.

En principe ce sont donc tous les gaz qui peuvent présenter ce type de risque (appauvrissement de la concentration d’oxygène par déplacement de l’air). Toutefois, seuls les gaz non toxiques qui ne présentent pas d’autres effets pour la santé peuvent se voir attribuer la classe de danger asphyxiants simples.
 
Exemples, le sulfure d’hydrogène gaz très toxique et l’ammoniac gaz très corrosif ne se verront pas attribuer la classe de danger asphyxiants simples. Alors que l’hydrogène et le propane qui sont des gaz inflammables non toxiques sont classés asphyxiants simples.
 
L’hydrogène, l’hélium, l’argon, le néon, l’azote,  le gaz carbonique, le propane, le gaz naturel, sont autant de produits qui sont classés asphyxiants simples.
 

3. Mesures de précaution :

En plus des précautions indiquées dans la chronique précédente pour les gaz sous pression, les précautions suivantes s’adressent plus spécifiquement aux asphyxiants simples risquant d’être présent dans des endroits peu ventilés ou clos.
 
  1. Ne jamais pénétrer dans un endroit clos sans avoir reçu la formation adéquate.
  1. Toujours vérifier à l’aide d’un détecteur (de type quatre gaz ou autre) si la concentration en oxygène est sécuritaire (et s’il y a présence de contaminants) avant de pénétrer dans un endroit clos, ainsi que périodiquement pendant le quart de travail.
  1. Ne jamais aborder et travailler seul dans un milieu clos.
  1. Si nécessaire, porter l’équipement de protection respiratoire approprié.
  1. Vérifier régulièrement que les bouteilles ainsi que les équipements auxquels elles sont reliées sont absents de fuites.
  1. Assurer une bonne aération des locaux où sont utilisés les asphyxiants simples ainsi que les locaux d’entreposage.
  1. S’assurer d’une procédure sécuritaire si les bouteilles doivent être transportées ou déplacées dans un ascenseur, un véhicule ou un local non ventilé.


Prochain bulletin Véga – SIMDUT :

Les prochaines chroniques chimiques traiteront des matières inflammables.

Chimiquement vôtre
Serge Pelletier
B.Sc.chimie    M.Sc. environnement