Les Chroniques chimiques Numéro 11 - LES GAZ SOUS PRESSION : CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES

Les Chroniques chimiques Numéro 11 - LES GAZ SOUS PRESSION : CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES

1. Usage fréquent

L’utilisation des gaz est très fréquente en milieu de travail ainsi qu’en milieu domestique :
  1. Bouteilles d’oxygène et d’acétylène et autres gaz pour le soudage et découpage de métaux;
  2. Oxygène, azote, hélium et de nombreux autres gaz pour les besoins en laboratoire;
  1. Oxygène, gaz anesthésiants, gaz médicinaux en soins hospitaliers;
  1. Propane ou gaz naturel pour l’alimentation des brûleurs de plusieurs laboratoires;
  1. Propane ou gaz naturel pour le chauffage domestique ainsi que pour celui de plusieurs établissements;
  1. Bouteille de propane pour le barbecue ainsi que pour le matériel de camping;
  1. Location de bouteilles d’hélium pour le gonflage de ballons de fête;

2. Gaz sous pression versus gaz comprimés

Dans le SIMDUT 88, les gaz étaient simplement regroupés sous l’appellation Gaz comprimés.

En revanche, dans le SIMDUT 2015, la classe de danger Gaz sous pression remplace cette appellation et précise, via les catégories, l’état du produit. En effet, les gaz sont conservés de différentes façons :
  1. Sous forme de gaz comprimés

Le produit est conservé uniquement à l’état gazeux à l’intérieur de la bouteille. Dans le cas des gaz comprimés, la lecture de la pression interne sur le manomètre de la bouteille est un indicateur de la quantité de gaz emmagasiné.

Exemples de produits conservés sous forme de gaz comprimés : l’oxygène, l'hélium, l’azote, l’argon.
  1. Sous forme de gaz liquéfiés

Certains gaz sont conservés sous forme liquéfiée ce qui permet d'emmagasiner de plus grandes quantités dans une bouteille. Dans le cas d’un gaz liquéfié, le produit est présent dans la bouteille principalement sous forme liquide au-dessus duquel surnage le produit sous forme gazeuse. Lors de l’ouverture de la valve, le gaz s’échappe, et au fur et à mesure, le liquide s’évapore. La pression intérieure de la bouteille est égale à la pression de vapeur du produit et ne varie pas (à température constante) tant qu'il restera du liquide dans la bouteille. Conséquemment, dans le cas des gaz liquéfiés, la lecture de la pression interne de la bouteille ne peut être un indicateur de la quantité du produit restant dans celle-ci. Ce qui explique notamment, la raison pour laquelle un commerçant pèse toujours la bouteille de propane d’un barbecue avant de la remplir afin de déterminer la quantité qui peut y être transvasée.

Voici des exemples de produits conservés sous forme liquide : le propane, le butane l'ammoniac, le gaz carbonique.
  1. Sous forme de gaz dissous dans un solvant

Le produit le plus couramment conservé sous cette forme est l’acétylène. L'acétylène pur est instable et peut réagir de manière explosive même en absence d’air. Pour le stabiliser, l’acétylène est dissout dans l’acétone qui dissout plus de 400 fois son volume en acétylène. Dans une bouteille pleine, l'acétylène constitue environ 40% du poids du contenu et est soumis à une pression d'environ 15 atmosphères.

Le fait que certains gaz soient conservés sous forme dissoute dans les bouteilles (tel que l’acétylène) ou sous forme liquéfiée (tel que le propane) explique une règle de base en matière de sécurité avec ces catégories de gaz : les bouteilles doivent toujours être disposées en position verticale et jamais à l’horizontale. Sans quoi, le risque que le solvant liquide (ou ses vapeurs) se propage dans les tubulures du système (l’acétone dans le cas des bouteilles d’acétylène) ou que le produit liquide s’échappe à la place du gaz (tel que le propane) augmente considérablement et avec lui, les risques d’incendie, d’explosion et de blessures.

L’avis de rappel RA-60314 sur le site du gouvernement du Canada concernant la mise en garde et le retrait d’un type de foyer extérieur illustre bien l’importance de respecter cette règle de base. Les foyers ciblés par le rappel étaient équipés d’un support conçu pour maintenir une bouteille de 20 livres de propane en position horizontale.
  1. Sous forme de gaz liquéfiés réfrigérés (liquides cryogéniques)

Il s’agit de gaz liquéfiés par compression et conservés à des températures extrêmement froides (généralement inférieures à – 150oC) qui sont généralement utilisés à la pression atmosphérique normale. Ces liquides sont donc en état d'ébullition à température ambiante et doivent être conservés dans des contenants spécifiques non hermétiques. En effet, tous les liquides cryogéniques sont extrêmement froids et de petites quantités de liquide occupent un grand volume en passant à l’état gazeux, ce qui peut causer des pressions importantes dans des contenants hermétiques.

L’exemple type est celui de l'azote liquide (température d'ébullition de - 196oC) qui est largement utilisé dans de nombreux domaines (industriel, médical, alimentaire, en recherche, etc.).

L’azote liquide est un gaz extrêmement froid qui brûle les tissus par simple contact. C’est cette propriété de l’azote liquide qui justifie son utilisation en dermatologie notamment dans le traitement des verrues, de certaines tumeurs de la peau et autre maladie des tissus. En revanche, cette même propriété fait de l’azote liquide (et de tous les liquides cryogéniques) un gaz très dangereux à manipuler.

L’avènement de la cuisine moléculaire au cours des vingt dernières années a démocratisé l’utilisation de l’azote liquide par des personnes souvent peu ou mal informées des risques et des mesures de sécurité à prendre avec ce produit. Compte tenu de sa température d’ébullition, lorsqu’il est manipulé et transvasé à température ambiante dans des contenants inadaptés, un écart de température de plus de 200 oC se créé entrainant ainsi un risque élevé d’ébullition et de projection des contenants.

À preuves, voir les liens suivants concernant un expérimentateur de la cuisine moléculaire ayant perdu ses deux mains en manipulant non sécuritairement l’azote liquide https://www.lapresse.ca/actualites/insolite/200907/13/01-883681-il-essaie-la-cuisine-moleculaire-et-y-perd-les-deux-mains.php et celui d’une jeune femme fêtant son dix-huitième anniversaire et qui a perdu son estomac en ingérant de l’azote liquide contenu dans un cocktail https://www.ladepeche.fr/article/2012/10/09/1460645-elle-boit-un-cocktail-a-base-d-azote-liquide-et-perd-son-estomac.html ou celui d’une Américaine qui a perdu sa vésicule biliaire et une partie de son estomac dans un accident similaire https://www.cnews.fr/monde/2019-10-15/elle-perd-une-partie-de-son-estomac-en-buvant-par-accident-de-lazote-liquide-889289

Ainsi, les personnes qui l’utilisent se doivent de bien connaître les risques et les précautions de sécurité nécessaires à sa manipulation.

Autres exemples de produits conservés sous forme de gaz liquéfiés réfrigérés : l’air liquide, l’hélium liquide, l’argon liquide, etc.

3. Gaz sous pression : définitions légales

La définition de Gaz sous pression ainsi que les critères de classification pour les différentes catégories de cette classe de danger sont précisés aux articles 7.5 et 7.5.1 du RPD (Règlement sur les produits dangereux)

Gaz sous pression
Produit constitué d’un gaz contenu dans un récipient à une pression manométrique d’au moins 200 kPa à 20°C ou sous forme de gaz liquéfié ou de gaz liquéfié et réfrigéré.

Sont exclus de la présente définition les gaz dont la pression absolue de vapeur à 50°C est d’au plus 300 kPa ou qui ne sont pas complètement gazeux à 20 °C et à la pression normale de 101,3 kPa.
Gaz comprimé
Le gaz qui, lorsqu’il est emballé sous pression, est entièrement gazeux à -50°C, y compris celui ayant une température critique ≤ -50°C.
Gaz liquéfié 
Le gaz qui, lorsqu’il est emballé sous pression, est partiellement liquide aux températures > -50°C.
Gaz dissous
Le gaz qui, lorsqu’il est emballé sous pression, est dissous dans un solvant en phase liquide.
Gaz liquéfié réfrigéré
Le gaz qui, lorsqu’il est emballé, est partiellement liquide du fait qu’il est à basse température.
Note
Température critique : température au-dessus de laquelle un gaz pur ne peut être liquéfié, et ce, quelle que soit la pression appliquée. Exemple : la température critique de l’azote est -146.97°C.  À des températures supérieures, il est impossible de liquéfier l’azote, peu importe la pression appliquée.

Le tableau ci-dessous résume, pour la classe de danger Gaz sous pression du SIMDUT 2015, la mention d’avertissement, la mention de danger et le pictogramme associés à chacune des catégories de cette même classe.  

Gaz sous pression
Catégorie   
Mention
d’avertissement   
Mention
de
danger   
Pictogramme
Gaz comprimé
Attention   
Contient un gaz sous pression; peut exploser sous l’effet de la chaleur    

Gaz liquéfié
Attention   
Contient un gaz sous pression; peut exploser sous l’effet de la chaleur    

Gaz liquéfié réfrigéré   
Attention
Contient un gaz réfrigéré; peut causer des brûlures ou des blessures cryogéniques    

Gaz dissous
Attention   
Contient un gaz sous pression; peut exploser sous l’effet de la chaleur    


Prochain bulletin Véga – SIMDUT :
Le bulletin à venir traitera plus spécifiquement des risques et précautions à prendre concernant les gaz sous pression.

Chimiquement vôtre
Serge Pelletier
B.Sc.chimie    M.Sc. environnement