Si la chronique numéro 5 traitait des principes de premiers soins concernant les blessures chimiques et soulignait l’importance d’un rinçage rapide et de bonne durée pour limiter les séquelles permanentes en cas de projection sur la peau ou dans les yeux, cette septième chronique présente certaines exigences légales et les conditions requises pour assurer le bon fonctionnement et le succès de l’utilisation des douches corporelles et oculaires.
En résumé, des douches d’urgence doivent être rapidement disponibles dans les lieux de travail là où il y a une concentration de produits dangereux (entreposage, utilisation). Ces équipements doivent être en mesure de répondre au besoin immédiatement et en tout temps.
Il n’existe pas, au Canada, de norme régissant la conception et l’installation des douches d’urgence.
On se réfère habituellement à la norme américaine Z358.1-2014 de l'ANSI (American National Standard Institute). Bien qu’elle ne soit pas mentionnée dans le Règlement sur la santé et la sécurité du travail (RSST), cette norme demeure au Québec la référence en matière de bonnes pratiques en ce qui concerne la conception et l’installation des douches d’urgence.
Le RSST précise toutefois certaines exigences sur les conditions, la disponibilité, l’identification de ces équipements ainsi que sur la température et salubrité de l’eau de rinçage.
L’article 75 du RSST stipule que des douches d’urgence doivent être disposées à la proximité des postes de travail où les travailleurs risquent d’être exposés à:
L’article 76 du RSST stipule pour sa part que ces équipements doivent être clairement identifiés, être à la portée immédiate des travailleurs et facile d’accès. De plus, l’article 76 précise que les douches doivent être alimentées en eau tiède et salubre (l’alimentation en eau tiède ne s’applique qu’aux équipements installés ou modifiés depuis le 2 août 2002).
Afin de procéder au rinçage le plus rapidement possible, pour limiter les dommages aux yeux et à la peau, le positionnement des douches ne doit pas faire en sorte de retarder indument le début du rinçage.
Le RSST ne précise pas les distances recommandées. Toutefois, selon la norme Z358.1-2014 de l’ANSI, les personnes doivent pouvoir accéder aux douches d’urgence en moins de 10 secondes, ce qui correspond à une distance maximale d’une cinquantaine de pieds. Aux endroits où sont utilisés des produits particulièrement corrosifs (corrosion cutanée catégorie 1 ou corrosion oculaire catégorie 1 dans le SIMDUT 2015) il est recommandé de prévoir l’installation des douches le plus près possible des zones de travail (et d’entreposage).
Produits corrosifs : Pictogrammes
De même, la salubrité de l’eau de rinçage ne doit pas faire en sorte de retarder le début du rinçage. En visitant différents établissements, il m’est arrivé à plusieurs reprises en actionnant des équipements de douche oculaire pour vérifier leur bon fonctionnement de voir s’écouler pendant plusieurs minutes une eau de couleur « orangée-rouille ». L’eau de rinçage doit s’écouler et être salubre dès que la douche est activée.
Pour assurer leur bon fonctionnement et leur salubrité, les douches (corporelles et oculaires) doivent donc être vérifiées et leurs canalisations purgées régulièrement. La norme de l’ANSI prévoit une vérification hebdomadaire et une inspection complète annuelle.
La seule façon de s’assurer du respect de la fréquence de vérification définie (norme de l’ANSI ou recommandation du fournisseur de ce type d’équipement) est de prévoir à proximité de chaque douche un registre dans lequel la personne responsable indiquera :
L’obligation de l’alimentation en eau tiède des douches d’urgence (pour les équipements installés ou modifiés depuis 2 août 2002) s’explique par la longue durée de rinçage requise dans le cas de plusieurs produits.
La norme de l’ANSI prévoit une alimentation pour une durée de rinçage minimale de 15 minutes. Cette durée de rinçage peut aller jusqu’à 60 minutes dans le cas de certains produits corrosifs concentrés. Le choix du type d’équipement tiendra donc compte des produits utilisés.
L’eau de rinçage ne doit donc être ni trop froide ni trop chaude, de façon à ce qu’elle soit tolérable pendant toute la durée de rinçage.
La norme de l’ANSI recommande une température entre 16 et 38oC. Une température inférieure à 16oC présente un risque d’hypothermie. Au-dessus de 38oC l’eau peut endommager l’œil. Une température d’environ 25oC semble donc un bon compromis pour l’eau alimentant les douches d’urgence.
Exemples d’installation des douches (selon la norme de l’ANSI) :
À l’occasion, pour un lieu de travail sans réseau d’aqueduc ou éloigné de toutes canalisations, des équipements de douches portatives avec réservoir sont utilisés.
Ces équipements doivent fournir de l’eau pour une durée de rinçage minimale de 15 minutes le temps de transporter la victime à la douche permanente ou à une installation médicale. Sinon, la douche portative doit fournir le liquide de rinçage pour la durée recommandée en fonction des produits utilisés.
Du fait que ce type d’équipement ne peut être purgé, le liquide de rinçage doit être régulièrement remplacé ou désinfecté.
Pour assurer le bon fonctionnement des équipements des douches d’urgence et le succès de leur utilisation :
a) la façon d’utiliser efficacement les douches en place
b) les mesures de premiers soins appropriées aux projections.
10. Sensibiliser le personnel (et les élèves s’il y a lieu) sur l’importance d’aider les victimes de projection à se rendre le plus rapidement possible aux douches.
11. Prévoir des exercices et simulations.
L’installation de douches d’urgence est importante (et obligatoire) dans les lieux de travail où sont utilisés des produits dangereux. Une vérification régulière de ces équipements assurera leur bon fonctionnement et la salubrité de l’eau de rinçage. De même, la formation adéquate du personnel est de toute première importance. Elle assurera le succès d’une bonne utilisation de ces équipements ainsi que d’une intervention appropriée et efficace.
Chimiquement vôtre,
Serge Pelletier
B.Sc.chimie M.Sc. environnement